Salle de bain

Oeuvre réalisée avec Bertrand Planes

50m2 de carrelage et éléments de salle de bain, dimension totale 25 x 2,70 x 2 mètres, 2011

Remerciements à Jacques Laroche et Villeroy & Boch.
  • vue générale

    Exposition collective "Environs - Surroundings", Les Tanneries, Amilly, France, 06-09/2011.
    Commissariat Richard Deacon et Pierre-Alexandre Rémy.

  • détail

    Exposition collective "Environs - Surroundings", Les Tanneries, Amilly, France, 06-09/2011.
    Commissariat Richard Deacon et Pierre-Alexandre Rémy.

  • vue générale ramassée

    Exposition collective "Environs - Surroundings", Les Tanneries, Amilly, France, 06-09/2011.
    Commissariat Richard Deacon et Pierre-Alexandre Rémy.

  • miroir vert

    Exposition collective "Environs - Surroundings", Les Tanneries, Amilly, France, 06-09/2011.
    Commissariat Richard Deacon et Pierre-Alexandre Rémy.

  • lumière

    Exposition collective "Environs - Surroundings", Les Tanneries, Amilly, France, 06-09/2011.
    Commissariat Richard Deacon et Pierre-Alexandre Rémy.


    Prenant acte des contraintes que le lieu impose, immense et ouvert sur l’extérieur tout l’été, Elvire Bonduelle et Bertrand Planes ont « bâti » pour cette exposition aux Tanneries une salle de bain géante. Mais non pas, comme on aimerait s’amuser à le croire, au sens où Gargantua s’y plairait à faire sa toilette…     
    Car si elle nous apparaît réellement géante, c’est que la salle de bain compose en fait avec une structure en éclaté, distendant complètement les proportions et donnant à la pièce une perspective infiniment étirée.
    Ainsi baignés dans une étrange étrangeté, nous sommes soudainement happés par cet espace blanc, livide, incroyablement net et immaculé, en tension avec le contexte même de l’installation, dont le cadre délabré nous rappelle que les Tanneries sont d’anciennes usines désaffectées. L’intimité à laquelle nous inviterait cette salle de bain, décor naturel pour un corps nu et propre, contraste alors singulièrement avec l’atmosphère encore laborieuse et impersonnelle de l’usine.
    Le travail in situ réalisé par nos deux artistes, fruit d’une résidence d’un mois aux Tanneries, révèle leur complexe appropriation des espaces. Car c’est en se confrontant eux mêmes à une surface aussi gigantesque, qui plus est sans vie, qu’Elvire Bonduelle et Bertrand Planes ont choisi de nous mettre en scène, tels des lilliputiens, dans un monde aux proportions absurdes et dans la salle la plus symbolique de notre habitat quotidien.
    Soudain en effet, comme si nous étions emportés par le conte, l’espace semble nous échapper, cauchemardesque, puisque chaque élément nous apparaît minuscule, inatteignable, absorbé par des distances incongrues. Eloignés les uns des autres, ils nous obligent à parcourir des lieues avant de les voir se rapprocher, et nous rappellent à notre fragilité d’humains, petits poucets contemporains. De luxueuse (le luxe serait-il vraiment l’espace ?) la salle de bain devient couloir de l’angoisse.
    Formant un immense ensemble vide, simplement ponctué ici ou là pour nous rappeler un semblant de réel, l’installation nous interroge sur les distorsions de l’espace contemporain, que nous avons l’habitude de vivre au quotidien contraint et réduit au strict minimum. Seulement s’il est ici immense et étendu, il en devient paradoxalement étonnamment inconfortable. Le vide nous confrontant soudain à la vanité de nos exigences.
    Quête du bonheur, rêve d’espace et de grandeurs, sont absorbés, anéantis presque par un décor devenu surréaliste à l’inquiétude plus que palpable.
    Elvire Bonduelle et Bertrand Planes jouent ici, comme ils nous ont habitué à le faire dans leurs travaux antérieurs, de notre perception. Mettant un point d’honneur à nous révéler, encore une fois - car nous ne voulons pas l’entendre – qu’elle nous joue naturellement des tours. Toujours techniquement infaillibles, répondant à de précieux calculs de mise en perspective, méticuleux et précis, les artistes, magiciens du quotidien, usent de la simple distorsion des proportions d’échelle pour rompre un équilibre visuel aux premiers abords confortable.

    Sur le principe du ready made, les objets simplement posés au milieu de l’espace, imperturbablement familiers, ont ici au final un autre rôle, celui de nous questionner sur notre rapport au monde.
    A l’image de la place toute symbolique - au cœur de la salle de bain - du miroir, telle une toute petite porte ouverte à Alice pour entrer dans le pays des merveilles, les artistes nous invitent à quitter le monde strictement matériel, des meubles ancré dans le sol, pour nous plonger dans un espace, cette fois-ci « mental », dans une évasion fantastique.
    Nous immergeant dans l’immensité de la salle de bain blanche, au cœur de l’usine devenue fantôme, ils nous engagent à pénétrer dans un univers, s’il est ultra carré et calculé, avant tout sensible. Spectateurs malmenés entre vie très réelle ou allégorie fantasmagorique, nous avons malgré tout à disposition, par cette échappée mentale, aussi bien le vide de la salle à remplir que la page blanche à carreaux de céramique pour coucher nos émotions.
    Proposition donc, l’installation nous offre le temps et l’espace - devenus rares - pour ressentir pleinement et laisser libre cours à nos émotions.


    Aurélie Wacquant Mazura, 2011