Nouvelles du jour

Exposition collective

Commissariat : Marguerite Pilven et Elvire Bonduelle

Artistes : Boris Achour, Elvire Bonduelle, Gordon Cheung, Jean-François Dubreuil, Jochen Gerner, Olivier Leroi, Edouard Levé, Stéphane Pencréac’h, Evariste Richer, Georgia Russell, Bruno Serralongue, Taroop et Glabel, Suzanne Treister, Gabriel Vormstein

Galerie JTM, Paris, 2011
  • Olivier Leroi

    Olivier Leroi, MAMAN, Encre sur coupure de presse, 30 x 21 cm, 2006. © Olivier Leroi

  • édouard levé

    Edouard Levé, sans titre, Extrait de la série Quotidien, tirage couleur, 70x70cm, édition 1/5, 2003 © Galerie Loevenbruck, Paris.

  • tresiter

    Suzanne Treister, ALCHEMY/The Times, 10th September 2008, extrait de la série, rotring sur papier, 21 x 29.7cm, 2008.
    © photographies Illés Sarkantyu, 2011

  • eb

    Elvire Bonduelle, Le Meilleur Monde, version originale, coupures de presse et collages au scotch, 24 pages, 31 x 47 cm, Paris, 2009. © Galerie Isabelle Gounod, Paris

  • achour

    Boris Achour, Ici et autrefois et ailleurs et maintenant et encore, peinture iridescente sur le quotidien Aujourd’hui du 29 janvier 2008, 2008.
    © photographies Illés Sarkantyu, 2011



    Bonne nouvelle pour la presse écrite : les artistes la lisent encore.
     
    C’est du moins le cas des quatorze que réunit cette exposition collective et internationale à la galerie JTM. Ils jouent avec le journal, son papier, ses images, ses textes, et c’est le plus souvent du Monde qu’ils s’emparent. Elvire Bonduelle, qui est la commissaire de l’exposition avec Marguerite Pilven, n’en conserve que les bonnes nouvelles, qui sont rares, pour fabriquer son numéro du journal. Stéphane Pencreac’h le traite vigoureusement au trichloréthylène et à la dérision. La Britannique Suzanne Treister lui emprunte avec beaucoup de subtilité ses caractères gothiques et ses « unes ». Georgia Russell le découpe et le fait bouffer, comme les plumes d’un oiseau. Dans d’autres quotidiens, le duo Taroop & Glabel prélèvent des photos aux légendes involontairement idiotes ou drôles alors que Boris Achour imprime sa main en négatif dans le Parisien. Edouard levé fait réinterpréter à des acteurs des photos de presse et Bruno Serralongue revient sur les lieux des faits divers annoncés par Nice-Martin. Quant à Gordon Cheung, il superpose cruellement les gravures de l’Apocalypse de Dürer aux cours de la Bourse. L’exposition ne se veut pas exhaustive - il faudrait les moyens d’un musée pour traiter cet excellent sujet dans son ensemble - mais, telle quelle, elle est très réussie. 

    Philippe Dagen, Le Monde, 23 janvier 2011




    Communiqué de presse

    Que devient l’information des journaux une fois manipulée par les artistes ? Telle était l’une des questions curatoriales a priori. Force a été de constater, à la découverte des oeuvres exposées, que les journaux étaient d’abord le matériau prétexte de mises en abyme de la presse dans son ensemble. Elles oscillent entre une fascination pour son caractère mythique et le constat de son épuisement, ou sondent de manière soupçonneuse sa capacité à déchiffrer le monde.

    Prendre le journal imprimé comme point de départ d’une oeuvre, c’est retrouver la question, éthique et centrale dans l’histoire de l’art, de l’articulation entre le lisible et le visible. C’est pourquoi les oeuvres s’attachent à intégrer, à mimer, à sublimer ou à détourner, de manière parfois chirurgicale, les contraintes de la presse imprimée : son iconographie, son dispositif texte-image, sa grille d’information, ses répétitions, sa propension à effrayer ou à faire espérer. Leur force d’évocation se manifeste dans cet écart entre un support d’information déjà-là et ce qu’elles choisissent d’en faire saillir.

    Les artistes imaginent, c’est à dire, littéralement, “mettent en image” leur lecture intime du journal, celle qui les relie au monde. La presse devient un prétexte pour parler de son opacité et d’une difficulté à décrypter le foisonnement de ses signes. Leurs oeuvres sont des traits d’union tentés entre le local et le global, l’ici et l’ailleurs, le même et l’autre. En produisant des télescopages de sens inouïs, elles nous placent dans l’exercice, tendu et vital, de déchiffrement du monde ; avec tout ce qu’il comporte de projections subjectives, d’efforts d’objectivation, de cécité inévitable et d’ironie salutaire.

    Marguerite Pilven, 2011